Le COVID 19 est un cas de force majeure comme l’a déclaré Bruno LEMAIRE, le ministre de l’Economie et des finances, le 28 février dernier.
La force majeure est caractérisée par son caractère imprévisible, extérieure à la personne qui l’invoque, et irrésistible en ce qu’elle rend impossible la poursuite de ses obligations.
Aussi, pour de nombreuses entreprises, cela signifie l’ajournement des travaux. Il faut néanmoins être vigilant quant aux arrêts de chantier sans préavis compte tenu des déclarations de la Ministre du travail ce 19 mars, appelant le secteur du BTP à poursuivre ses chantiers.
En temps normal, c’est au maître d’ouvrage ou au maître d’œuvre de notifier une décision d’ajournement. Cela étant, compte tenu du contexte, l’entreprise peut également demander l’ajournement dès lors qu’elle n’est pas en mesure de faire intervenir ses équipes en toute sécurité.
L’article L. 4121-1 du Code du travail précise ainsi « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs».
1 – Les premiers réflexes :
Tant en marché privé qu’en marché public, que l’entreprise soit en demande ou que l’ajournement lui ait été notifié, deux réflexes sont essentiels :
- Demander par écrit un constat contradictoire des ouvrages exécutés en présence du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre et qualifier la situation de force majeure. La présence d’un huissier de justice peut être utile lors des constatations. A défaut, réaliser un reportage photographique soit même eu égard aux mesures de confinement.
- Prendre toute mesure visant à protéger ses ouvrages car l’entreprise assurer la garde de ses ouvrages.
Il est important d’avoir ces réflexes car l’entreprise demeure gardienne de ses ouvrages jusqu’à réception, même en cas d’ajournement.
Néanmoins, ce principe n’étant pas d’ordre public, il peut être envisagé un transfert de la garde au maître d’ouvrage, avec l’accord de ce dernier.
2 – Le report des délais :
En cas de force majeure, l’entreprise a droit au prolongement de ses délais d’exécution.
En marché public, l’article 19.2 du CCAG TRAVAUX 2009 précise que les délais sont prolongés face à la rencontre de difficultés imprévues. Au même titre, des intempéries selon l’article 19.3, justifie également le report des délais.
En marché privé, l’article 1218 du code civil, qui définit la force majeure, précise que « si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue ». L’article 10.3.1.2. de la norme NFP 03-001 prévoit enfin, si la norme est applicable, que le délai d’exécution est prolongé lorsque le retard résulte d’empêchements de force majeure, rendant impossible l’exécution du marché dans les conditions initialement prévues
Cela a donc pour effet de reporter les délais d’intervention.
Il conviendra donc d’être vigilant pour les entreprises à réception des nouveaux plannings et de ne pas manquer d’élever des réserves à réception de ces documents. Selon les CCAG en vigueur (CCAG TRAVAUX 2009 et la norme AFNOR NF P 03 001), et sauf dérogations prévues au CCAP, le délai pour élever des réserves est de 15 jours à réception du document.
3 – L’indemnisation :
En marché public, les conséquences de la force majeure sont indemnisables si le marché fait référence au CCAG TRAVAUX 2009. Son article 18.3 précise ainsi :
« En cas de pertes, avaries ou dommages provoqués sur ses chantiers par un phénomène naturel qui n’était pas normalement prévisible, ou en cas de force majeure, le titulaire est indemnisé pour le préjudice subi, sous réserve :
– qu’il ait pris, en cas de phénomène naturel, toutes les dispositions découlant de l’article 18.2 ;
– qu’il ait signalé immédiatement les faits par écrit. »
En marché privé, ni le code civil, ni la norme Afnor NF P 03 001 ne prévoient d’indemnisation en cas de force majeure.
Cela étant l’entreprise pourra invoquer la théorie de l’imprévision, prévue à l’article 1195 du code civil, pour renégocier son prix. Attention le marché peut déroger à cet article qui n’est pas d’ordre public.
Enfin, l’article 9.1.2 de la norme AFNO NF P 03-001, qui doit être prévue au contrat pour s’appliquer, dispose que : « Si un changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du marché, rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du marché à son cocontractant »
Enfin, en cas de désordres causés par des tiers, il conviendra de faire un point sur vos garanties, et notamment l’assurance tous risques chantier (TRC) éventuellement souscrite par le maître d’ouvrage et qui vient garantir les dommages causés aux ouvrages en cours d’exécution.
4 – La préservation de sa trésorerie :
Comme indiqué supra, le constat contradictoire permet de déterminer les ouvrages exécutés et ainsi de pouvoir facturer son avancement.
En marché public, pour tous marchés supérieurs à 50 000 Euros HT, et dont la durée d’exécution est de plus de 2 mois, le titulaire a droit à une avance d’au minimum de 5% (Article R 2191-7 du code de la commande publique).
Le taux de cet avance minimum a été augmenté pour les TPE et PME (moins de 250 salariés):
- A 20% pour les marchés de l’Etat pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication à compter du 28 décembre 2018,
- A 10% pour les marchés publics passés par les établissements publics administratifs de l’Etat (hors établissements publics de santé) et les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les groupements, dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros, pour les marchés pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2020.
Si l’entreprise a renoncé au bénéfice de l’avance lors de sa candidature, elle peut néanmoins être demandée en cours d’opération au maître d’ouvrage public.
Enfin, le sous-traitant direct, qui bénéficie du paiement direct, a également droit au bénéfice de l’avance au prorata de sa part du marché à exécuter.