Le marché à forfait est un sujet récurrent de contentieux en droit des marchés privés.

Ce contentieux important tient notamment à l’article 1793 du code civil[1], et notamment aux moyens de preuve que doit utiliser la société en charge des travaux pour espérer obtenir le paiement des travaux supplémentaires.

En effet, afin d’être opposable au maître d’ouvrage, une modification des plans ou devis descriptifs nécessite son autorisation écrite préalable ou, son acceptation expresse et non équivoque une fois les travaux réalisés.

Cette exigence oblige l’entreprise à être très vigilante lors de la détermination du prix de son marché.

Si la jurisprudence autorise, dans certains cas particuliers, à l’entreprise titulaire d’un marché à forfait d’obtenir le paiement de ses travaux supplémentaires, alors même qu’elle ne peut justifier d’une autorisation écrite préalable du maître d’ouvrage ou de son acceptation expresse et non équivoque après l’exécution des travaux supplémentaires, c’est dans des cas d’espèce très spécifiques notamment en présence d’un bouleversement économique du contrat. Or, la notion du bouleversement économique du contrat reste mal définie en jurisprudence (C.Cass., Civ 3ème, 5 nov. 2020, n°19-13.251 ; 16 nov. 2022, n°21-19.147).

En réalité, pour être réglée de travaux supplémentaires dans le cadre d’un marché privé à forfait, l’entreprise doit pouvoir justifier de leur commande préalable et/ou d’un avenant (C.Cass., Civ 3ème, 19 dec. 2019 n°18-23100)

C’est ce qu’est venu rappeler récemment la Cour de cassation, en précisant également qu’un Architecte, un Maitre d’œuvre d’exécution, un Maître d’ouvrage délégué ne peuvent pas commander des travaux supplémentaires ni les accepter sans mandat spécial du Maitre d’ouvrage (C.Cass., Civ 3ème, 18 janv. 2023, n°21-21.823).

 

Même s’il est vrai que l’entreprise peut toujours se prévaloir de la bonne foi et/ou de la loyauté contractuelle, la prudence reste de mise et l’entreprise doit idéalement veiller à obtenir l’accord écrit préalable et non équivoque du Maître d’ouvrage avant la réalisation de travaux supplémentaires.

 

(C.Cass., Civ 3ème, 18 janv. 2023, n°21-21.823).

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006443573#:~:text=Lorsqu’un%20architecte%20ou%20un,celui%20de%20changements%20ou%20d’

 

 

 

Dans un dernier arrêt du 26 octobre 2022, la Cour de cassation s’est, à nouveau, penchée sur la question de la réception tacite des travaux par le maître de l’ouvrage.

La réception des travaux se définit comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage accepte les travaux de l’entrepreneur, avec ou sans réserves.

L’enjeu est important, puisque la réception des travaux marque le point de départ des garanties légales des articles 1792 et suivants du Code civil.

Or, celle-ci peut avoir lieu même en l’absence de signature de procès-verbal de réception des travaux, si des éléments permettent de caractériser une volonté non équivoque du maître d’ouvrage de réceptionner les travaux.

La réception est alors tacite.

Si le critère du paiement intégral des travaux et la prise de possession des ouvrages sont des éléments pris en considération par la Jurisprudence, la notion de réception tacite a fait l’objet d’évolutions récentes :

  • Dans un arrêt du 6 mai 2015, la Cour de Cassation considère que la prise de possession de la maison par le maitre de l’ouvrage n’est pas suffisante pour prononcer une réception tacite des travaux et a écarté une clause stipulant que la prise de possession valait réception sans réserve (Cass., Civ 3ème, 6 mai 2015, n°13-24947) ;
  • Dans un arrêt du 1erseptembre 2021, la Cour de Cassation considère qu’un paiement partiel des travaux accompagné d’un refus de signer une attestation de bonne fin des travaux ne permettaient pas de caractériser une réception tacite des travaux (Cass., Civ 3ème, 1er sept. 2021, n°20-12372).

La Cour de cassation retient, globalement, la volonté non équivoque du maitre de l’ouvrage de réceptionner les travaux, comme élément déterminant pour caractériser une réception tacite de ceux-ci.

Dans l’arrêt du 26 octobre 2022, la Cour de cassation prend en considération spécifiquement l’attitude du maître de l’ouvrage, qui a contesté la qualité des travaux pour rejeter la qualification de réception tacite.

Pour la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation, la contestation constante et quasi-immédiate de la qualité des travaux, suivie d’une demande d’expertise judiciaire portant sur les manquements de l’entrepreneur, étaient de nature à rendre équivoque la volonté du maître de l’ouvrage de recevoir celui-ci.

Ainsi, elle a pu en déduire l’absence de réception tacite des travaux par ce dernier, alors même que le maître de l’ouvrage avait payé l’intégralité du prix des travaux exécutés.

La réception tacite des travaux ne se résume donc pas à l’énumération de critères, mais repose avant tout sur la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de réceptionner les travaux.

(C.Cass., Civ 3ème, 26 oct. 2022, n°21-22011)

Le cabinet CHROME AVOCATS vous présente ses meilleurs vœux pour cette année 2023 ! 💫

 

La question brûlante du délai applicable aux recours entre coobligés en droit de la construction vient de faire l’objet d’une évolution décisive suivant l’arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 2022, qui fixe le point de départ du délai de l’action entre coobligés à l’assignation au fond (C.Cass.,  Civ 3ème, 14 déc. 2022, n°21-21.305).

 

En effet, deux thèses s’opposaient sur cette question :

 

  • Une thèse voulant que le point de départ de ce délai court à compter du jour où l’intervenant à l’acte de construire, possible codébiteur tenu in solidum, est mis en cause en référé (C.Cass., Civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 18-25.915 ; C.Cass., Civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 16-24.352)

 

  • Une thèse, admise par le Conseil d’État, voulant que le recours ne puisse être introduit avant une demande de condamnation au fond ou en référé (CE, sous-sect. réun., 10 févr. 2017, n° 391722)

 

Au niveau des juridictions d’appel, les décisions étaient fluctuantes.

 

À titre d’exemple, la Cour d’appel de RENNES a considéré, dans un premier temps, que le point de départ de l’action en garantie entre coobligés court à compter de l’assignation en référé (CA Rennes, 15 janv. 2021, n°20/05170), mais a finalement changé de position pour considérer que ce point de départ court à compter de l’assignation au fond (CA Rennes, 8 sept. 2022, n°21/02109).

 

Cette dernière solution posait de sérieuses difficultés.

 

En effet, on ne saurait véritablement affirmer que « l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à un constructeur met en cause la responsabilité de celui-ci ». L’action en référé-expertise tend à déterminer s’il existe des dommages, et, dans l’affirmative, à déterminer leur étendue, les modalités réparatoires et l’imputabilité de ces dommages à tel ou tel responsable. Une demande ayant pour objet de voir désigner un expert ne met pas en cause la responsabilité d’un intervenant, puisque, d’une part, il n’est pas acquis que le dommage visé dans l’assignation existe, et que, d’autre part, l’imputabilité dudit dommage à tel intervenant est à ce stade putative.

 

La solution était par ailleurs contestable sur le plan pratique. Elle conduisait à devoir initier au fond des procédures multiples, afin que chacun des possibles débiteurs finaux puisse préserver ses recours. Les juges du fond devaient ainsi faire face à la gestion administrative de nombreuses assignations, ordonner des sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, ordonner des jonctions, rétablir des affaires, et ce, avec la totalité des parties à l’expertise alors qu’il se peut que le litige final se réduise sensiblement en termes de personnes concernées.

 

Ceci d’autant plus qu’il est possible et même souhaitable, que ces parties trouvent un accord sur la base du rapport, et qu’en définitive, le temps du fond ne soit pas encore venu.

 

La décision de la Cour de cassation du 14 décembre 2022, est donc salutaire car fixant le point de départ de la prescription quinquennale de l’action entre coobligés à la date à laquelle le maître d’ouvrage sollicite l’indemnisation de ses préjudices. Elle modifie sa jurisprudence pour éviter la multiplication des actions en garantie « préventives » des constructeurs entre-eux, situation qui comme elle le relève, nuit à une bonne administration de la justice.

(C.Cass.,  Civ 3ème, 14 déc. 2022, n°21-21.305)

Pour pouvoir prescrire, l’article 2261 du Code civil dispose qu’« il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Par un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation a été amenée à statuer sur le caractère non équivoque d’une possession suivant la construction de deux maisons d’habitation en l’absence de respect des règles d’urbanisme applicables (constructions sur un terrain à l’origine agricole).

En confirmant l’arrêt rendu par la Cour d’appel de BASSE-TERRE (GUADELOUPE) le 31 mars 2021, la Cour de cassation retient que le non-respect de règles d’urbanisme applicables à des travaux de construction ne fait pas obstacle, en l’absence d’actes de possession illicites pour être contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, à ce que le possesseur du terrain d’assiette en acquiert la propriété par prescription.

Ainsi, la Cour de cassation précise que la possession est équivoque si les actes sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, étant précisé que le possesseur doit, bien évidemment, toujours avoir l’intention de se comporter en tant que propriétaire.

(C.Cass., Civ 3ème, 21 sept. 2022, n°21-17409).

Le cabinet CHROME AVOCATS, au service des acteurs du bâtiment et de la construction en France métropolitaine et en outre-mer, était naturellement partenaire, cette année encore, de la BATICUP, la régate des professionnels du bâtiment, organisée d’une main de Maître par le BATI CLUB de la FFB 44.

Cette 11ème édition fut l’occasion de découvrir ou redécouvrir la belle de Côte de Jade avec un départ de PORNIC.

Le constructeur de maisons individuelles avec fourniture de plans est tenu de préciser le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution.
Une fois les travaux décrits et chiffrés par le constructeur, le maître d’ouvrage doit accepter, par une mention manuscrite et paraphée, leur coût et leur charge. Ces mentions sont également détaillées au sein de la notice descriptive qui accompagne obligatoirement tout CCMI (Art L231-2 al1 er d et R.231-4, II, al1er du CCH).

Une jurisprudence, d’ores et déjà bien établie, considérait que lorsque ces prescriptions légales n’étaient pas respectées, aucun des travaux ne pouvaient être laissés à la charge du maître de
l’ouvrage.

Par son arrêt du 10 novembre 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation est venue circonscrire la prise en charge par le CCMiste fautif des travaux réservés par le maître de l’ouvrage
au seul dépassement du prix des travaux réservés, c’est-à-dire la différence entre le montant figurant dans la notice descriptive et le coût réel de ces travaux.

Par conséquent, le CCMiste qui ne chiffre pas de manière réaliste les travaux réservés par le maître de l’ouvrage devra en supporter le dépassement de prix, déduction faite du montant mentionné dans la notice descriptive.

(C.Cass. 3 e civ., 10 nov. 2021, n°20-19.323, n°758 FS-B)

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Alors que les cahiers des clauses administratives générales (CCAG) actuellement en vigueur datent de 2009, il apparaissait indispensable de les réformer. C’est désormais chose faite, puisque le journal officiel du 1er avril 2021 a publié six arrêtés portant approbation des nouveaux CCAG applicables aux marchés publics.

Objectifs de la réforme des CCAG

Un groupe de travail créé en 2019 et composé de 200 personnes, représentant des acheteurs, des opérateurs économiques, des fédérations professionnelles et des experts (avocats, formateurs et universitaires), a travaillé pendant dix-huit mois avec pour objectifs de :

  • Actualiser les CCAG pour intégrer les mutations du droit de la commande publique, tant législatives et réglementaires que jurisprudentielles, intervenues depuis 2009 ;
  • Adapter les CCAG aux prestations de maîtrise d’œuvre ;
  • Rééquilibrer les relations contractuelles entre les parties et favoriser l’accès des PME à la commande publique ;
  • Moderniser les CCAG en adéquation avec les enjeux actuels de dématérialisation, de traitement des données personnelles, de valorisation des modes de règlements amiable des litiges et de développement durable ;
  • Gérer les difficultés rencontrées dans l’exécution des marchés publics durant la crise sanitaire.

Une phase de consultation publique a suivi cette phase de concertation. Elle s’est déroulée du 15 janvier au 5 février 2021 et a permis aux différents acteurs de la commande publique et au grand public de faire entendre leurs remarques sur les projets de CCAG afin d’enrichir ces derniers.

 

Particularités de la réforme des CCAG

Outre l’actualisation des cinq CCAG « Fournitures courantes et services », « Marchés Industriels », « Techniques de l’information et de la communication », « Prestations Intellectuelles » et « Travaux », un sixième CCAG voit le jour : le CCAG « Maîtrise d’œuvre ».

De nombreuses modifications sont opérées, il convient notamment de noter :

  • Le plafonnement des pénalités de retard à 10% du montant du marché ;
  • L’insertion de clauses prévoyant les modalités de suspension et de poursuite des prestations en cas de survenance de circonstances imprévisibles, ainsi que les conditions d’examen des conséquences financières desdites circonstances ;
  • L’insertion d’une clause de propriété intellectuelle dans tous les CCAG ;
  • L’introduction d’une clause d’insertion sociale dans tous les CCAG ;
  • L’introduction de clauses environnementales fixant des obligations en matière de transport, d’emballage et de gestion des déchets.

L’entrepreneur principal doit fournir au sous-traitant la caution avant la conclusion du contrat de sous-traitance ou avant le commencement d’exécution des travaux, uniquement si celui-ci lui est antérieur. A défaut, le contrat encourt la nullité.

La loi du 31 décembre 1975 offre au sous-traitant une protection, en imposant, à peine de nullité du sous-traité, la fourniture d’une garantie de paiement qui doit lui être délivrée avant la conclusion du contrat. (article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance).

En marché privé, cette garantie de paiement peut prendre deux formes : soit une délégation de paiement par laquelle le Maître de l’ouvrage règle directement le sous-traitant, soit une caution bancaire à la charge de l’entreprise principale.

Par un arrêt du 21 janvier 2021, la Cour de cassation est venue préciser sa position quant au moment de la fourniture de la caution bancaire (Civ. 3e, 21 janv. 2021, n°19-22.219).

En l’espèce, le contrat de sous-traitance était assorti d’une condition suspensive d’obtention d’un cautionnement au profit du sous-traitant. La condition s’était réalisée après la signature du sous-traité.

Or, la Cour de cassation, pour annuler le contrat, rappelle le principe selon lequel la caution doit être produite par l’entrepreneur principal, antérieurement à la conclusion du sous-traité, peu important qu’elle l’ait été avant le commencement d’exécution des travaux, si celui-ci est ultérieur.

En pratique :

  • Les clauses de condition suspensive d’obtention d’un cautionnement dans le cadre du contrat de sous-traitance ne sont pas opposables ;
  • La caution bancaire doit donc être obtenue, au plus tard, le jour de la signature du contrat de sous-traitance. Le fait que les travaux n’aient pas encore débutés à cette date n’a aucune incidence.