Par un arrêt du 6 juin 2024[1], la troisième chambre civile de la Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour d’appel de RENNES en statuant que :

« 5. En premier lieu, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que le moyen tiré du défaut de mise en œuvre de la clause litigieuse, qui instituait une procédure de conciliation obligatoire à la saisine du juge, constituait une fin de non- recevoir.

  1. En second lieu, la cour d’appel a retenu, par une interprétation nécessaire exclusive de dénaturation, que les termes « solliciter l’avis d’un expert » devaient être interprétés comme la volonté des parties d’obtenir cet avis avant toute procédure judiciaire, sauf à ce que la clause n’ait aucune portée en s’en tenant à ses termes littéraux ».

Concrètement, le contrat litigieux prévoyait ce qui suit :

« En cas de litige portant sur l’exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir le tribunal compétent dans la juridiction de NANTES. Toutefois, les parties s’engagent à solliciter les avis d’un expert choisi d’un commun accord, avant toute action judiciaire. »

Or, après que les parties aient désigné un expert, la société « S », sans attendre que celui-ci rende son avis, a assigné la société « F » en paiement d’honoraires. Celle-ci a soulevé l’irrecevabilité de la demande pour défaut de mise en œuvre de la tentative préalable de règlement amiable prévue au contrat, ce qui a été confirmé par la Cour d’appel et la Cour de cassation.

Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence en matière de saisine préalable du Conseil de l’ordre des architectes (C.Cass., Civ 3ème, 16 nov. 2017, n°16-24.642, C.Cass., Civ 3ème, 7 mars 2024, n°21-22.372).

En s’en tenant aux prévisions contractuelles, la Cour de cassation fait preuve de bon sens.

En effet, peu importe que le processus mis en place par la clause de conciliation préalable reste imprécis ou peu adapté, ce qui compte c’est la volonté réelle des parties d’avoir érigé l’amiable en préalable obligatoire à la saisine du juge.

L’application stricte de la clause de conciliation préalable poursuit donc un but légitime, en ce qu’elle vise à assurer la force obligatoire du contrat en rendant effective la recherche préalable d’une solution amiable que les parties ont entendu s’imposer à elles-mêmes, avant toute action judiciaire.

(C.Cass., Civ 3ème, 6 juin 2024, n°22-24.784)

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Sur le fondement de l’article 1304 du Code civil, par un arrêt du 14 septembre 2023, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que la règle suivant laquelle l’engagement affecté d’une condition suspensive sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n’est pas défaillie et ne peut prendre fin par la volonté unilatérale de l’une des parties ne prive pas celles-ci du bénéfice des stipulations du contrat prévoyant une faculté de résiliation unilatérale.

En pareil cas, le sort de la condition s’apprécie à la date de la résiliation.

En l’espèce, la Haute juridiction considère que si la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier par le maître de l’ouvrage n’est pas réalisée au jour de la résiliation du contrat, le maître d’œuvre doit restituer au maître de l’ouvrage les honoraires perçus.

La société d’architecture, qui s’est vue confiée la mission de maîtrise d’œuvre, et qui exerce sa faculté de résiliation unilatérale, est tenue de rembourser au maître de l’ouvrage, qui le demande, les sommes versées à titre d’honoraires, et qui soutient que le contrat était conclu sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt immobilier, non obtenu.

(C.Cass., Civ 3ème, 14 sept. 2023, n°22-18.642)

L’article 1793 du Code civil dispose que :

« Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire ».

Dans un arrêt du 8 juin 2023, en application de cet article, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation rappelle, dans un premier temps, que lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit, et leur prix préalablement convenu avec le maître de l’ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés.

Dans un second temps, la Haute juridiction affirme que les procédures contractuelles d’apurement des comptes ne peuvent pas primer sur la qualification de marché à forfait donnée au contrat.

Il s’ensuit que le silence gardé par le maître de l’ouvrage à réception du mémoire définitif de l’entreprise ou le non-respect par celui-ci de la procédure de clôture des comptes ne vaut pas, dans un marché à forfait, acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires dont l’entreprise réclame le paiement

En conséquence, les réclamations portant sur des travaux supplémentaires, restant strictement soumises à l’approbation expresse et non équivoque du maître de l’ouvrage, ne peuvent faire l’objet d’une acceptation tacite, ce que confirme, en l’espèce, la Cour de cassation, en refusant d’admettre que l’absence de contestation prévue à la procédure contractuelle de clôture des comptes puisse valoir acceptation expresse et univoque des travaux réalisés hors forfait.

La ratification tacite des travaux supplémentaires est exclue, et la dérogation à l’intangibilité du prix forfaitaire fait toujours l’objet d’une interprétation stricte.

Il persiste qu’un supplément de prix ne peut être réclamé au maître d’ouvrage, qu’à la condition de caractériser avec certitude son acceptation des travaux réalisés en supplément de ceux initialement commandés.

(C.Cass., Civ 3ème,  8 juin 2023, n°22-10.393)

L’article 2261 du Code civil dispose que : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Par un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation précise que le non-respect des règles d’urbanisme par le possesseur ne l’empêche pas d’acquérir la propriété du terrain par prescription.

Aussi, elle précise que les actes illicites ou irréguliers n’empêchent pas la prescription acquisitive, dès lors qu’ils ne sont pas contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Cette décision fait écho à celle rendue par la Cour de cassation le 13 novembre 1969 (C.Cass., Civ 3ème, 13 nov. 1969, n°67-13790), par laquelle la Haute Juridiction ne faisait alors pas référence aux notions d’ordre public et de bonnes mœurs.

Il s’ensuit que, même si la Cour de cassation a affiné sa position concernant l’usucapion, elle a rejeté le pourvoi dirigé contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de BASSE-TERRE (Guadeloupe) le 31 mars 2021.

(C.Cass., Civ. 3ème, 21 sept. 2022, n°21-17409)

L’article 1792-6 du Code civil prévoit que la garantie de parfait achèvement peut être mise en œuvre dans un délai d’un an suivant la réception des travaux.

Nonobstant, cette garantie ne peut être actionnée que si, avant d’être assigné en justice, les désordres sont notifiés à l’entrepreneur.

Par un arrêt du 13 juillet 2023, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a, en effet, rappelé que l’assignation ne vaut pas notification : « En se déterminant ainsi, sans constater que les désordres avaient, préalablement à l’assignation, été notifiés à l’entrepreneur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Par cet arrêt, la Cour de cassation continue de se livrer à une interprétation stricte de la loi, qui profite à l’entrepreneur.

Ainsi, pour mettre en œuvre la garantie de parfait achèvement, le maître d’ouvrage doit, préalablement à toute assignation, dénoncer les désordres à l’entrepreneur, qui, à défaut d’accord pour intervenir, doit être mis en demeure.

(C.Cass., Civ 3ème, 13 juil. 2023, n°22-17010)

Les litiges de travaux publics présentent un caractère périlleux pour les praticiens, notamment lorsque, défendant un intervenant à la construction dont la responsabilité est recherchée devant la juridiction administrative, il faut envisager les différents recours en garantie. En la matière, on peut être tenté de vouloir de faire juger ces recours en garantie par le juge du principal plutôt que de multiplier les instances devant différentes juridictions, notamment lorsque l’on a connaissance des délais de procédure, généralement en décalage par rapport aux contraintes de trésorerie de nos clients.

Néanmoins, une grande prudence s’impose.

En effet, il est constant que le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé (T. confl, 24 nov. 1997, n°03060, publié au Bulletin)

 Le juge administratif est dès lors compétent, soit lorsque l’action contentieuse trouve son fondement dans les stipulations de celui-ci, soit lorsque les protagonistes, ayant participé à l’opération de travaux publics, ne sont pas liés entre eux par un contrat de droit privé. Les actions en cause peuvent être soit des actions directes, soit des appels en garantie.

Ainsi les litiges entre l’entrepreneur et l’architecte, alors même que l’un et l’autre sont des personnes privées, relèvent de la compétence administrative (T. confl. 20 nov. 1961, Garreau c/ Elkouken), sans qu’il soit besoin que l’un et l’autre soient liés au maître de l’ouvrage par un contrat administratif (T. confl. 24 nov. 1997, Sté de Castro, req. n°03060 ), tandis qu’un litige opposant un entrepreneur à son sous-traitant ou à son fournisseur, liés par un contrat de droit privé relève de la compétence judiciaire (T. confl. 15 janv. 1973, Sté Quillery-Goumy c/ Sté chimique routière et d’entreprise générale et Sté bretonne de travaux publics,).

 Il est également constant que ce sont les juridictions judiciaires qui sont compétentes pour connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, et à raison du fait dommageable commis par son assuré, alors même que l’appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relève du juge administratif.

 

Quid de l’action en garantie d’un constructeur contre le fournisseur / et ou le fabricant d’une coobligée ?

Dans un arrêt du 21 juin 2022, la Cour administrative d’appel de PARIS a considéré qu’il appartient au seul juge judiciaire de connaître des actions en garantie formées contre le fournisseur (CAA de Paris, 3e chambre, 21 juin 2022, n°19PA00750).

En l’espèce, une société avait conclu, pour la fourniture des pierres utilisées pour l’exécution des travaux de réaménagement d’un port, un contrat de sous-traitance relevant du droit privé avec un entrepreneur titulaire du marché public. Eu égard notamment aux caractéristiques des pierres commandées, la juridiction a considéré que cette société avait eu la qualité de simple fournisseur, et ne pouvait dès lors être regardée comme ayant participé à l’exécution des travaux publics litigieux. Par suite, il appartenait au seul juge judiciaire de connaître des actions en garantie formées contre ladite société.

 C’est également la position de la Cour administrative d’appel de NANTES (CAA de Nantes, 4ème chambre, 8 avril 2022, n°20NT03819).

 

Ainsi, sauf à démontrer que le fournisseur à réellement participé à l’exécution de travaux publics et ne peut alors avoir la qualité de « simple fournisseur », l’appel en garantie d’un constructeur contre le fournisseur / et ou le fabricant d’une coobligée relève de la compétence du juge judiciaire.

Rentrée des classes vendredi 25 août pour le Cabinet CHROME AVOCATS avec l’Université d’été de l’EDAGO (Ecole Des Avocats du Grand Ouest) sur la thématique de l’actualité du droit de la construction et de l’immobilier.