La pandémie récente du COVID-19 a conduit le Gouvernement français à prendre des mesures drastiques de confinement et de fermeture de lieux qualifiés de « non-indispensables ».
Aussi, aux termes de son discours du 16 mars dernier, le Président de la République, Emmanuel MACRON, a avancé, en contrepartie de cette fermeture, une « suspension des loyers » pour « les plus petites entreprises les plus en difficulté ».
Partant, il est légitime que les propriétaires de biens immobiliers s’interrogent face à cette mesure exceptionnelle et au sort des loyers perçus.
Il conviendra d’appréhender successivement les conséquences des mesures avancées par le Gouvernement sur les loyers commerciaux, professionnels et d’habitation.
1 – Incidence sur les loyers commerciaux :
Le 16 mars dernier, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures visant à protéger les PME, et notamment la suspension des loyers au bénéfice des très petites entreprises.
D’emblée, il importe de préciser que la « suspension » des loyers ne semble pas être formellement envisagée par le Gouvernement ; seul le report ou l’étalement le sont.
Le report ou l’étalement ne peuvent être assimilés à une franchise de loyer, de sorte que, le cas échéant, le paiement de ces loyers sera uniquement reporté ou étalé sur les mois qui suivent à l’aide d’un échéancier établi conjointement.
Par conséquent, que les propriétaires se rassurent : le non-paiement du loyer et/ou des charges constitue toujours une cause de résiliation du bail commercial, du fait de l’application de la clause résolutoire.
Par ailleurs, l’entreprise qui souhaite bénéficier de ces délais de paiement doit justifier de deux conditions cumulatives :
- D’une part, que l’activité de l’entreprise ait été interdite par la loi;
- D’autre part, que l’entreprise ait vue son chiffre d’affaires drastiquement baissé du fait des conséquences de l’épidémie.
En tout état de cause, si le Gouvernement considère le COVID-19 comme un cas de force majeure pour les entreprises, il n’a pas le pouvoir judiciaire, de sorte qu’il reviendra au Juge d’apprécier, in concreto, chaque cas afin de retenir ou non la qualification de force majeure, permettant de bénéficier de ces mesures particulières.
2 – Incidence sur les loyers professionnels :
Si la mesure de report ou d’étalement des loyers est manifestement applicable aux loyers commerciaux, force est de se pencher sur le cas particulier des loyers professionnels, ne bénéficiant pas du statut des baux commerciaux.
A ce jour, un projet de « Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 » est en cours de discussion au Parlement, et semble étendre les mesures d’urgence aux locaux professionnels.
Après analyse, ce texte prévoit d’autoriser le Gouvernement à décider de toute mesure :
« g) Permettant de reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non‑paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ».
L’Assemblée Nationale, en première lecture, a remplacé les termes de « très petites entreprises » par « microentreprises », soit une entreprise d’un effectif de moins de 10 personnes, et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 2 millions d’euros.
Ainsi, si le texte est adopté en ces termes, les loyers professionnels pourront être reportés ou étalés, à l’instar des loyers commerciaux, sous des conditions strictes et l’apport de justificatifs pertinents.
En somme, il conviendra d’être très attentif aux modalités du texte qui sera voté et publié au Journal Officiel de la République Française (J.O.R.F), sur la question.
3 – Incidence sur les loyers d’habitation :
A ce jour, aucune mesure concernant les baux d’habitations n’a été prise par le Gouvernement, de sorte que les loyers et charges des mois de mars et avril 2020 devront être intégralement réglés par les locataires, à la date mentionnée au contrat de location.
La notion de force majeure ne pourra donc pas, a priori, être avancée par les locataires pour justifier d’un report ou d’un étalement des loyers.
Néanmoins, la baisse des rémunérations du fait du phénomène de chômage partiel va mettre les locataires en difficulté financière.
Aussi, il est recommandé de prendre attache, dès à présent, avec son bailleur, afin d’envisager un étalement des sommes dues, justificatifs à l’appui.
De leur côté, les propriétaires-bailleurs se verront invités à être conciliant, afin d’éviter un contentieux locatif coûteux et parfois aléatoire.